A la manière d'un athlète de haut niveau
On se retrouve pour le deuxième épisode de cette série sur l’inspiration. J’espère que le premier t’a plu et que les conseils et réflexions qui vont suivre vont t’être utiles pour ton propre chemin créatif.
Être créatif, tu es bien placée pour le savoir, c’est loin d’être un long fleuve tranquille, parfois – voire souvent – on doute, on perd confiance. On a du mal à trouver le temps pour créer, on laisse le quotidien s’installer, on se dit qu’on s’y remettra plus tard … On pense même que c’est un process “normal” et que le feu sacré va repartir de plus belle une fois ce “coup de mou” passé.
En réalité, on est toutes confrontées à ces moments-là et ça n’a rien d’un “coup de mou”, c’est de la résistance.
La résistance, c’est le travail de sape de notre “cher” critique intérieur et il est drôlement rusé ce petit porcelet 🐷. Il parvient à nous faire croire qu’on est nulle, incapable, indigne. On en arrive à se demander de quel droit on se permet de se catégoriser “artiste” et ça y est, on commence à procrastiner, on laisse aller, il a gagné !
Tu te reconnais dans ce paragraphe ? Bienvenue au club !
C’est le bon moment pour convier la Muse, non ?
On s’entend bien, il y a longtemps qu’on n’attend plus qu’une dame ailée descende nous filer un coup de main quand on est coincée ! Il va donc falloir trouver d’autres solutions pour repartir efficacement à l’assaut de notre créativité.
Et ça tombe bien, c’est tout l’objet de cette série ✨
Cette semaine, je te propose de réfléchir à notre mise en condition créative
Oui, tu as bien lu “mise en condition”. Un peu comme un sportif de haut niveau se maintient au top pour une compétition, sauf qu’ici, on n’utilisera pas les mêmes ressources.
La première “condition” à mon sens, c’est de disposer d’un lieu dédié pour ton travail créatif.
Je t’entends d’ici, tu n’as pas forcément d’espace disponible à réserver à ça, alors de là à envisager un atelier, c’est presque de la science fiction.
Scoop pour toi, je n’ai pas d’atelier. Non … J’ai juste une grande chambre à coucher …
Ce que tu vois là, c’est la moitié de ma chambre, coupée en diagonale. L’autre moitié, c’est le coin nuit et les penderies. Alors oui, je suis artiste plasticienne depuis 6 ans, je peins des toiles grand format (100×100 cm) sans avoir d’atelier. Ca demande de l’organisation mais c’est possible.
Comme tu vois, l’espace est divisé en 3 parties :
L’espace chevalet qui se rabat en table haute, hyper pratique et modulable. C’est le genre de matériel polyvalent vraiment top pour les espaces “mouvants” et pour les artistes qui touchent à plein de choses à la fois. Cet espace me sert pour les toiles bien sûr, mais aussi pour les grands formats, le travail du plâtre, de l’encaustique et pour tout ce qui me demande de travailler debout, que ce soit sur une surface plane ou verticale. Comme tu peux le voir, les murs sont en pierre chez nous, aucune possibilité de me poser dessus en vertical pour travailler.
J’ai rajouté une plateforme sur les pieds du chevalet qui m’apporte un espace de stockage et/ou de rangement.
Un grand meuble en bois et des meubles à clapets me permettent de ranger de manière pratique le matos et mon trolley Ikea m’aide à garder le nécessaire sous la main où que je sois.
L’espace de travail général, qui est celui que j’utilise le plus, j’y fais de tout ou presque ! C’est de là que je rédige cette newsletter, que je filme la plupart de mes ateliers (une partie est aussi filmée debout sur le chevalet), que je travaille dans mon art journal, que je bioduille mes idées …
Mon plan de travail est posé sur des meubles à tiroirs pour le matériel administratif et numérique. J’ai réalisé une sorte de casier en bois pour trier et avoir à portée de main mon matériel basique (pinceaux, outils de découpe et de traçage, feutres, …), une petite étagère pour poser mon ordinateur avec rangement de mes carnets et livres d’artistes en dessous et une autre petite étagère pour les encres et encore des feutres (oui, j’en ai trop …).
Tu peux voir mon installation pour filmer qui surplombe le bureau et derrière, un mood board en liège sur lequel je viens punaiser des images inspirantes et des réalisations diverses.
Quelques unes de mes oeuvres encadrent le tout.
L’espace aquarelle.
L’aquarelle est un média qui m’appelle depuis quelques mois mais je me suis rendu compte que sortir et ranger les godets à chaque fois m’empêchait de m’y consacrer un peu sérieusement. Il me fallait un espace dédié où tout reste en place et devant lequel je peux me poser quand j’en ai le temps.
Problème, je n’avais plus de place disponible dans mon “atelier” (tu sais maintenant que cette appellation est tout à fait pompeuse et inexacte !).
Solution : j’ai un meuble avec des portes basses dans un coin, si j’ouvre ses portes, que j’y pose une planche en pin recouverte de lino, ça me fait un bureau. Pour que la tablette ne bouge pas, j’ai collé dessous des morceaux de tasseaux qui prennent en sandwich le haut des portes du meuble. Et hop, en deux temps trois mouvements mon espace aquarelle est créé ✨
Comme tu vois, chaque zone a sa fonction propre tout en étant polyvalente. De toi à moi, je préfèrerais avoir un “vrai” atelier mais dans la mesure où ce n’est pas possible pour le moment, autant trouver des solutions !
Ceci dit, parfois, il n’est pas possible de dégager un espace dédié de manière constante à la créativité, même s’il est modulable. Les espaces peuvent être trop petits, pas “partageables” ou encore inadaptés tout simplement.
Si tu es dans ce cas là, pense à te créer un espace “nomade”.
Une desserte à roulettes peut devenir un bureau tout à fait fonctionnel et pratique. Un étage en bas pour ranger ton matériel, une surface en haut pour travailler. Comme elles sont montées sur roulettes, tu travailles où tu veux chez toi et tu la fais disparaître vite fait bien fait dans un coin quand tu as terminé !
Pas de desserte ? Un simple plateau peut faire l’affaire. Tu le choisis avec des bords bien hauts et des poignées pratiques. Il te suffit de disposer ton matériel dedans et de l’emmener à la table quand tu veux travailler. Une fois ta session créative finie, ton matériel retourne sur le plateau que tu ranges jusqu’à la prochaine !
La deuxième condition est de te sentir bien dans le lieu choisi.
Tu auras beau avoir le plus bel atelier du monde, si tu ne “sens” pas l’atmosphère du lieu, pas grand chose n’en sortira.
Créer, c’est être vulnérable, courageux aussi oui, mais surtout vulnérable. Quand on crée, on s’ouvre en grand pour pouvoir offrir le meilleur de nous et pour cela, il faut se sentir à l’aise et en sécurité là où on se trouve.
Si tu as un atelier-plateau nomade, c’est plutôt simple. Tu te promènes chez toi et tu ouvres tes antennes pour sentir le lieu le plus agréable pour toi. Il pourra tout à fait devenir TON spot créatif puisque tu le formalises en posant ton plateau et en entamant ton moment de création.
Si ton lieu est défini par des contraintes d’espace (comme chez moi par exemple), à toi de voir, dans ce lieu, où tu te sens le mieux. J’ai testé tous les coins de la chambre avant de l’agencer telle qu’elle est. L’espace général étant celui où je me sens le mieux, il n’est pas étonnant que ce soit le plus utilisé (pour être honnête jusqu’au bout, mon matériel d’aquarelle est resté assez nomade et je l’emmène souvent au bureau principal, le bureau aquarelle ressemble la plupart du temps à un espace de stockage – hum hum).
Pour se sentir bien dans un lieu, il faut évidemment avoir de bonnes sensations quand on s’y trouve mais aussi l’aménager avec soin pour qu’il nous corresponde. Un atelier, ce n’est pas qu’un lieu de travail, c’est aussi un lieu de vie. A toi de lui donner une âme avec de la décoration, du confort (pense aux coussins, au siège cosy, aux lumières agréables …); amènes-y un peu de vie avec des plantes, ton chat, de la couleur. Pense à pouvoir y écouter de la musique, comme on l’a vu le mois dernier, c’est un fabuleux moteur créatif.
Une fois le cocon créé, il faut penser à son aménagement pratique. Qu’as-tu besoin de garder sous la main ? Quels rangements peuvent t’inviter à rentabiliser ton matériel ? Si tu ranges tout dans des tiroirs, auras-tu envie de les ouvrir pour aller y chercher un outil ? Ne préfèreras-tu pas la solution de facilité en prenant ce que tu as sous la main, même si ce n’est pas exactement ce que tu veux utiliser.
Un exemple personnel ? J’adore les petites travailleuses à couture ancienne (tu peux voir la mienne sous la fenêtre du panorama). J’en ai cherché pendant longtemps en me disant que si j’avais ça pour ranger mes aquarelles, ce serait top. J’ai fini par en trouver une mais c’est tout sauf top. Déjà, j’ai tendance à poser des choses dessus, c’est peu pratique quand il faut l’ouvrir et ensuite, ai-je vraiment envie de déplier toute la travailleuse pour aller chercher mon papier qui se trouve dans les cases du bas ? Non ! Voilà un bel exemple de ratage organisationnel …
Un atelier n’est pas un lieu figé, donne toi la possibilité de tester plusieurs formules, de déménager le tout de temps en temps et de recommencer autrement. D’une part, tu vas retrouver du matériel et donc avoir envie de jouer et d’autre part, le fait de devoir te réaproprier le lieu te donnera envie de temettre au travail aussi.
On le sait bien, la nouveauté et le changement, ça stimule !
La dernière condition dont j’ai envie de te parler est peut être la plus importante, c’est l’installation de rituels.
Un rituel, c’est une pratique courte que tu mets en place pour te mettre en condition. Par exemple, si tu prends un bon petit apéro, ton estomac se doute bien qu’un chouette repas va suivre et il se prépare à en profiter. De la même façon, si tu suis toujours le même rituel avant de créer, ton cerveau droit va commencer à s’agiter dès qu’il verra cette habitude se mettre en place. C’est pavlovien, pas très sexy, certes, mais redoutablement efficace.
Ce rite, c’est bien sûr à toi de le créer et de l’installer. Ca peut être tout et n’importe quoi. Pour moi, c’est me préparer un thé dans ma tasse isotherme.
Je bois des litres de thé dans la journée mais je ne bois à cette tasse qu’à l’atelier, à force, mon cerveau a fait la relation tasse isotherme = temps de création.
Pour certaines, le rituel sera d’allumer une bougie, d’avoir un moment de gratitude ou de méditation avant de se mettre au travail ou encore de disposer des objets inspirants sur la table, un peu comme un autel. Ces petites habitudes sont très personnelles, elles n’ont l’air de rien mais elles formalisent dans le temps un repère qui nous indique dans quelle dynamique on se trouve, ouvrant par la même occasion le bon état d’esprit.
On peut aussi mettre en place des rituels plus créatifs, si tu commences chaque temps de création par un petit collage ou par un temps de gribouillage, ça ouvrira de la même façon les vannes de “l’inspiration”. Pour mettre toutes les chances de ton côté, tu peux cumuler les rituels physique + créatif et là, c’est jackpot ! Ou du moins presque à tous les coups … Parce que si tu te rappelles bien, en début de mail, je te parlais d’un petit porcelet coriace, alias ton critique intérieur. Il se trouve que lui aussi parfois repère la mise en place du rituel et arrive avec ses gros sabots, histoire de saper ton travail préparatoire. Dans ces cas là, à toi de sortir l’artillerie lourde : j’ai nommé les contraintes. Ca, si tu es coincée, c’est l’arme ultime.
il s’agit de se lancer dans un temps de création minuté dans lequel tu inclus un certains nombre de choses que tu dois faire. Par exemple, tu te donnes 5 minutes pour réaliser un collage sur une feuille A4 avec 6 papiers différents mais de couleur dominante verte, tu dois y ajouter 3 traits de crayon et ne remplir qu’un quart de ta feuille. Comme on est disciplinée, on va tenter de remplir nos obligations, notre critique n’y pourra rien, on aura lancé le flow !
Si cette histoire de contrainte te rend curieuse, j’avais proposé une vidéo sur le sujet il y a quelques temps.
Pfiou ! J’ai été longue, mais il y a tant à dire sur cette mise en condition … Je me rends d’ailleurs compte que je n’ai même pas parlé de régularité …
La créativité, c’est comme tout, c’est une aptitude qu’il faut travailler, développer pour qu’elle devienne de plus en plus fluide. Et même comme ça parfois, un grain de sable se glisse dans le rouage et ça coince. Il faut le prendre avec légèreté et humilité, on peut être à plat parfois mais avec les trucs et conseils vus plus haut, je suis sûre que tu seras le plus souvent au top ✨
J’espère que cet épisode de “Muse où es-tu ?” t’aura été utile, que tu en retireras quelques outils à ajouter à ta boite personnelle !
Le mois prochain, je te parlerai de la régularité puisque j’ai manqué de temps cette fois.
D’ici là, n’oublie pas d’écouter ta petite voix intérieure 🍃