L’art journal, pour bon nombre d’artistes, c’est une sorte de mix entre le journal intime et le cahier de brouillon.
Très souvent, on y vient après avoir “bavé” devant les sublimes exemplaires d’art journal qu’on a pu voir sur Pinterest. Tous plus beaux les uns que les autres, ils sont dignes d’être exposés tant ils sont parfaits. Et on se dit qu’on veut le même …
La pratique commence régulièrement par une bonne dose de déception parce qu’on entame notre carnet avec en tête les merveilles rencontrées sur le net et qu’il faut bien avouer qu’on ne fait pas aussi bien.
Et tu sais pourquoi on ne fait pas “aussi bien” ?
Justement parce qu’on se raconte intimement dans nos journaux et que ce qu’on admire chez les autres semble toujours nous faire cruellement défaut. La tentation est alors grande d’entrée dans une période de copie, histoire de faire rentrer notre journal dans ce qu’on espère de lui. Mais honnêtement, ça ne peut durer très longtemps. pas facile de se raconter soi-même avec les codes des autres, n’est-ce pas ?
Arrivée à ce stade,il nous reste deux options :
– Décréter qu’on n’est pas capable de tenir un art journal, que la pratique n’est pas faite pour nous;
– Accepter qu’on le pratique différemment, ou plutôt, adapter le format à notre personnalité.
Tu penses bien que je vais te parler de la deuxième …
Pour commencer, c’est intéressant de se poser quelques questions pertinente pour cerner de quoi sera fait notre art journal ou nos art journaux (journals ?).
- Pourquoi tu as envie de te lancer dans cette pratique ? Est-ce que c’est pour te raconter ? Pour tester des choses ? Pour renouveler ta pratique ? Pour lâcher prise ? Pour explorer ton intuition ? Quel est le besoin qui te pousse à t’intéresser à ce technique de création ?
Pour ma part, ma toute première intention d’art journal, c’était de laisser l’intuition parler. J’en étais au début de mon exploration de la créativité intuitive et je cherchais comment “convoquer” facilement mon intuition. Je l’ai initialement fait sur toile mais cela occasionnait des couches et des couches de collage et de peinture avant de trouver mon chemin, l’idée du gaspillage des ressources n’était jamais très loin … Il me fallait un format plus restreint et créer dans un carnet me permettait aussi de suivre l’évolution de ma pratique, ce qui était assez intéressant aussi.
- Quels matériaux as-tu envie d’utiliser ?
En fonction de ce que tu souhaites travailler dans ton journal, certains outils seront plus adaptés que d’autres. Pour reprendre mon exemple, j’avais envie d’explorer mon intuition et pour moi, le meilleur outil pour ça, c’est le collage. Enfin, pas le meilleur outil mais plutôt le plus simple d’accès, le plus immédiat. Un collage s’assemble “tout seul” chez moi, je ne le réfléchis jamais, c’est vraiment un processus automatique. C’était donc la meilleure technique pour commencer à mes yeux, en plein dans ma zone de confort, tout cela était très sécurisé. Une fois le collage réalisé, je pouvais ajouter un peu d’acrylique, de l’écrit bien entendu et toujours des encres à l’alcool, incontrôlables, parfaites pour une création très intuitive et un peu brute.
- Es-tu prête à accepter de tâtonner ? Accepteras-tu de ne pas être toujours satisfaite de ce que tu créeras ? Te sens-tu capable de passer un accord avec toi-même pour accepter ce qui vient avec bienveillance ?
Je l’écrivais en préambule, un art journal, ton art journal ne sera peut être (sans doute ?) par la magnifique vitrine de ton talent comme ceux qu’on peut voir sur Pinterest. Ton art journal, c’est le carnet qui va refléter ta vie de tous les jours (ou du moins de tes jours de création). Certains jours, tu seras la reine du monde, d’autres, tu auras le “talent” d’un enfant de 3 ans … Et c’est là que ça devient fabuleusement intéressant, un enfant de trois ans, ça a énormément de talent !
Je t’imagines sourire à l’idée du talent d’un enfant de 3 ans, je te rassures, je ne te parles pas de sa capacité à dessiner mais bien de son aptitude particulière à se lancer sans arrière pensée dans sa création. Son talent réside ici, son don, c’est d’être capable de prendre un crayon et de barbouiller ce qui lui passe par la tête. Parce que c’est un de ses modes d’expression, parce qu’il peut délivrer ainsi tout un tas d’informations, qu’il peut se débarrasser de ce qui l’encombre, que c’est un moyen pour lui de se raconter, de se situer, de prendre position, de s’affirmer. C’est moche ? Peu lui importe, d’ailleurs, à ses yeux, cela ne sera jamais moche, toute la magie se trouve ici.
Et c’est bien cette magie que je t’invite à faire revivre dans ton art journal.
Voilà ce que je t’invite à faire. A convoquer l’enfant de trois ans en toi et à lui permettre de s’exprimer dans un carnet par tout moyen que tu jugeras opportun sur le moment.
Pas de pression, pas d’attendus, ni règles, ni “il faudrait que”. Non, rien de tout cela, juste toi, ton carnet et tout ce qui doit s’y produire.
Et si c’est moche ?
Pourquoi ça le serait d’abord ? Tu vois toutes les pages que j’ai égrénées dans cette newsletter ? Honnêtement, à chacune d’elles, j’ai pensé que c’était moche. Et quand je les ai photographiées pour les inclure ici, j’ai été surprise de voir combien elles me semblent justes avec le recul. La beauté, c’est tellement subjectif. Ce que tu trouves moche un jour peut être beau le lendemain et vice versa, inutile de s’attarder sur ce genre de considérations. Encore moins quand tu te livres intimement, cela peut être original, particulier, désordonné voire incompréhensible mais certainement pas laid. Si ça l’est, c’est parce que tu n’as pas encore la clé pour voir au-delà du premier regard. Et fais-toi confiance pour dénicher cette clé t$ot ou tard et apprécier ce que tu auras créé une fois le moment venu.
Le bénéfice de tout ça ?
La liberté bien sûr ! La joie de sortir de la pression qu’on se met quand on crée et qu’on veut à tout prix réussir à faire quelque chose de beau, dont on peut être fière. Dans ton art journal, rien de tout cela n’a sa place, c’est vraiment ton espace de liberté au sein duquel tu t’émancipes de tout, y compris de tes propres attentes. C’est la cour de récréation en quelque sorte, l’endroit où seul le jeu compte. Quand tu ouvres ton carnet, c’est important de consciemment faire la césure avec le reste de ton activité créative ou artistique. Tes attendus habituels n’ont pas leur place ici et c’est parfait comme cela.
Tu peux bien entendu lancer plusieurs carnets en parallèle, j’en ai pour le collage, pour la poésie intuitive, pour les expérimentations botaniques, le dernier tourne autour du travail au feutre. Je tente de l’emmener avec moi dans mes promenades et mon idée est d’en faire une sorte de journal de mes petits moments sympas quotidiens. Sur la photo du haut, c’est le condensé de ma promenade de mercredi. Il faisait très beau, mon mari a décidé de prendre sa matinée pour aller surfer, j’ai attrapé mon carnet et je l’ai suivi. Après une bonne marche dans la dune, je me suis posée face à la mer en me disant que j’allais barbouiller un peu. J’ai ouvert puis fermé mon carnet, trop impressionnée par le paysage et très consciente de mes pauvres capacités en dessin (tu vois, le jugement n’est jamais loin, faut se faire violence pour le faire taire parfois). J’ai fini par prendre un bon bol d’air et rouvrir le carnet en me disant que de toute façon, je serais la seule à voir le résultat. Après coup, je confirme ne as trop aimer la page de gauche (faite avec la pression de bien faire et la conscience d’être nulle en perspective) mais la droite me plaît pas mal. En la regardant, je me remémore l’athmosphère de cette matinée, la joie simple d’être au soleil face à un paysage grandiose et surtout, je vois la liberté qui a guidé ma main et le plaisir ressenti en interprétant librement ce que j’avais sous les yeux, ce qui est particulièrement précieux. Ce matin-là, mon art journal a tenu sa vocation libératrice.
Voilà, j’espère avoir pu te convaincre de l’intérêt, voire de la nécessité de tenir un art journal.
Cette pratique vient équilibrer nos travaux plus sérieux et nous apporte une bouffée d’oxygène particulièrement bienvenue pour contre balancer la pression qu’on peut parfois se mettre en tant que créative.
je serais curieuse d’avoir ton avis sur ta propre pratique de l’art journal et des bénéfices que tu en retires, n’hésites pas à me les partager !
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